Archive pour la Catégorie 'Résilience Territoriale'

Résilience Locale : Copyright ou Copyleft ?

Histoire des droits d’auteur

Durant l’Antiquité et le Moyen Âge, l’essentiel de la création artistique repose sur l’artisanat. Les livres dits « manuscrits » coûtent autant à écrire qu’à dupliquer. L’apparition de l’imprimerie au XVe siècle renverse les choses. Ainsi, droits d’auteur et copyright apparaissent progressivement, notamment, pour permettre de dissocier la rémunération de l’auteur, pour son travail initial, des revenus issus de à l’exploitation de l’œuvre par duplication.

Aujourd’hui, une grande part des œuvres artistiques affiche des frais de conception élevés (couts fixes) et des frais d’édition-duplication négligeables (coûts variables), notamment en cas de transmission numérique. Au fil des siècles, la proportion entre ces deux types de frais a, en effet, évolué en vases communicants, exception faite des spectacles vivants, qui ont globalement conservé l’équilibre initial: un coût de conception faible (écriture de scénario, de chorégraphie, etc.), et coût important de représentation-duplication (moyens techniques et humains incompressibles).

 

Copyright et droit d’auteur

Le copyright s’applique dans les pays de common law et le droit d’auteur, dans les pays de droit civil. De fait, la majorité des États-Membres de l’Union européenne applique le droit d’auteur. Seuls Chypre, l’Irlande, Malte et le Royaume-Uni font application du copyright.

Le droit d’auteur protège les œuvres de l’esprit originales, dès leur création, même si elles sont inédites ou inachevées. Aucune formalité n’est nécessaire pour en bénéficier. Dans la plupart des pays, il n’est donc pas nécessaire d’inscrire la mention « tous droits réservés », ni le symbole ©. Le copyright a un champ d’application plus large, car il protège davantage l’investissement que le caractère créatif. Suivant les cas, il peut requérir une transcription ou un enregistrement pour apporter la preuve de ses droits.

Le droit d’auteur se décompose en deux parties :

Le droit moral contient 4 branches, mais 2 seules nous intéressent ici :

  •  le droit de paternité (respect du lien de filiation auteur-œuvre)
  •  le droit au respect de l’intégrité l’œuvre

Les droits patrimoniaux d’exercer et d’autoriser des tiers à exercer les actes de :

  •  reproduction de l’œuvre
  •  création d’œuvres dérivées de l’œuvre originale
  •  distribution de copies de l’œuvre au public (vente, location, prêt, cession)
  •  représentation publique de l’œuvre, avec quelque procédé que ce soit

En droit du copyright, un auteur peut renoncer à l’ensemble de ses droits et faire entrer ses œuvres dans le domaine public. En droit d’auteur, l’auteur peut renoncer à ses droits patrimoniaux, mais pas à son droit moral. Il peut donc autoriser la reproduction, modification et diffusion de sa création, sous réserve de conditions stipulées dans un contrat de licence. Il détermine ainsi les utilisations permises ou interdites, comme l’utilisation de l’œuvre à des fins commerciales par exemple.

 

Licence Ouverte (Open Access) aussi dite de Libre Diffusion (Shared Content)

Une licence ouverte (open access) est un contrat juridique où l’auteur autorise à toute personne morale ou physique, tout ou partie des possibilités (dites libertés) suivantes, sur son œuvre :

  1. utiliser l’œuvre, pour tous les usages
  2. étudier l’œuvre, et l’adapter à ses besoins
  3. redistribuer des copies de l’œuvre
  4. modifier l’œuvre et publier ces modifications

Ce type de licence s’inspire du logiciel libre pour lequel « utiliser » signifie « exécuter le logiciel » et « étudier » signifie « étudier le fonctionnement du logiciel ». « Etudier » et « modifier » sont d’ailleurs les deux libertés, imposant l’accès libre au code source du logiciel, d’où le terme d’open source (Free Software Foundation).

 

Licence Libre (Open Data ou Free Content)

La licence libre (open data) est une licence ouverte (open access) qui autorise l’ensemble de ces 4 possibilités (libertés). Concrètement, l’auteur cède ses droits d’exploitation dits patrimoniaux et ne conserve que ses droits moraux.

Le terme d’open data est un héritage de l’open source synonyme de free software ou logiciel libre (Free Software Foundation), précurseur en matière de licence libre.

 

Copyleft

Une licence copyleft est une licence libre (open data) à laquelle on ajoute une contrainte d’application systématique de la même licence « copyleft » aux duplications de l’œuvre et aux œuvres dérivées. Cela a pour effet de garantir le maintien de ces droits « libres » aux utilisateurs, même pour les travaux dérivés. L’auteur n’autorise donc pas que son travail puisse évoluer avec une restriction de ce droit à la copie. Ainsi, tout contributeur apportant une modification (une correction, l’ajout d’une fonctionnalité, etc.) est contraint de ne redistribuer ses propres contributions qu’avec les mêmes conditions d’utilisation. Les créations réalisées à partir d’éléments sous copyleft héritent donc de cette même caractéristique.

Résilience Territoriale : Copyright ou Copyleft ?
Ces différents niveaux de licence sont comme des poupées russes qui s’imbriquent selon leurs conditions d’utilisation. Le degré d’ouverture et de partage, lui, s’élargit au fur et à mesure que l’on se rapproche du copyleft.

 

Libre (Free) ou Gratuit (Free) ?

Une œuvre sous licence libre n’est pas nécessairement gratuite, pas plus qu’une œuvre disponible gratuitement n’est nécessairement libre. Cette confusion vient du double sens du mot anglais free. Le principe de licence libre n’interdit pas en effet de faire payer l’accès à l’œuvre, il garantit juste des libertés sur l’œuvre une fois celle-ci obtenue. Cela est d’autant moins bien compris que dans les faits, la majorité des œuvres sous licences libres sont disponibles gratuitement. Sans compter que si une œuvre sous licence libre n’est au départ disponible que contre paiement, dès la première diffusion l’œuvre peut être rediffusée gratuitement en toute légalité.

Malgré cela il existe des milliers d’entreprises de développement de logiciels libres dans le monde et leur rentabilité n’est pas en danger ! Il s’agit juste d’une conception plus éthique du développement économique.

 

Alors, quelle licence pour notre indice de résilience territoriale ?

Il existe de nombreuses licences et notamment la première de toutes historiquement parlant: la GNU GPL. Suivant les licences, les auteurs peuvent choisir le type d’utilisation de leur œuvre, qu’ils souhaitent ou non autoriser. L’ajustement se fait selon trois paramètres :

  1. Les libertés cédées (recopie, réutilisation, modification…)
  2. Les obligations (citer l’auteur original, maintenir la licence originale)
  3. Les restrictions (pas d’usage commercial, interdiction de certains médias)

Les licences Creative Commons, par exemple, offrent un jeu d’options  permettant d’obtenir une licence « ouverte », « libre » ou « copyleft ». Le tableau de comparaison des combinaisons possibles est un excellent outil pédagogique. Seule, une combinaison d’options permet de créer une licence copyleft. Une autre permet d’obtenir une licence libre (open data). Les quatre autres combinaisons donnent des licences ouvertes (open access). De fait, « autoriser la distribution libre, mais uniquement dans un cadre non commercial », ou « autoriser la distribution libre, mais pas la modification de l’œuvre initiale », sont des libertés conditionnelles qui rétrogradent une apparente licence libre en licence ouverte.

Les œuvres ou contenus libres sont des images, des textes, de la musique et des logiciels dont chacun peut distribuer autant de copies qu’il le souhaite, et aussi les modifier pour les améliorer. La notion d’œuvre libre assure donc la liberté d’expression seulement dans la mesure où elle permet la liberté de diffusion et de modification des informations contenues dans les œuvres et le cas échéant, la commercialisation.

Les licences ouvertes (open access), tout comme les licences libres (open data) dont elles dérivent et qu’elles englobent (poupées russes), facilitent la prolifération d’une œuvre en autorisant la copie et l’usage, mais sous certaines conditions. Alors que le courant de pensée qui sous-tend les licences libres (open data) est animé par une volonté éthique d’égalité, les licences ouvertes (open access) ont pour seul fondement de faciliter la diffusion, que ce soit dans une démarche d’équité ou simplement pour populariser une œuvre en limitant les frais publicitaires.

Selon Richard Stallman (père du logiciel libre dans les années 1980), « L’idée centrale du copyleft est de donner à quiconque la permission d’exécuter le logiciel, de le copier, de le modifier, et d’en distribuer des versions modifiées – mais pas la permission d’ajouter des restrictions de son cru. C’est ainsi que les libertés cruciales qui définissent le logiciel libre sont garanties pour quiconque en possède une copie ; elles deviennent des droits inaliénables. »

 

Simplicité et partage:

Mon souhait est de participer à la création d’un indice de la résilience locale le plus simple possible et dans la lignée des valeurs des villes en transition, à savoir « libre, indépendant et partagé ». L’axe principal de la démarche est donc de faire de cet indice, un outil libre à la manière des logiciels libres. C’est pourquoi je suis en train de formaliser mon travail sur ce blog, afin de permettre à n’importe qui de l’utiliser et surtout de poursuivre ce travail en toute liberté sous réserve que chaque évolution du travail accompli respecte le même code de liberté

Après de nombreuses lectures sur les success-stories des meilleurs logiciels libres et des contrats de licences qui les encadrent, j’ai opté pour une approche, finalement, très classique avec l’utilisation du concept standard de copyleft tel que le transcrivent la licence GNU GPL ou la licence CreativeCommons CC BY-SA 3.0 comme l’utilise l’encyclopédie libre par excellence Wikipedia.

Il faut du temps pour bien appréhender la logique ainsi que le véritable retour sur investissement de cette philosophie du libre. Mais cela s’accorde parfaitement à la philosophie de résilience locale. Et d’ailleurs Rob Hopkins diffuse librement son livre « manuel de transition » au format PDF sur internet sous la licence libre GNU GFDL. C’est peut-être encore un peu flou pour certains, et c’est normal. C’est un concept que l’on ne nous apprend pas à l’école du consumérisme et du capitalisme.

 

Sources :

Indice Libre de Résilience Locale

Avec mon ami Benoit Thevard et une équipe grandissante de participants, nous œuvrons au projet « d’aider les citoyens et les élus locaux à cheminer ensemble, à parler le même langage et à s’apporter mutuellement leurs forces complémentaires en les accompagnant dans la sensibilisation, l’évaluation de leur résilience territoriale face au pic pétrolier et l’évolution vers la transition ».

Depuis 2010, je travaille sur une méthodologie d’évaluation de la résilience territoriale d’une collectivité et de sa dépendance au pétrole, avec une approche la plus globale, synthétique et pérenne possible.

Projet Libre : Indice Global de Résilience Locale

Ce blog Résixlience est un peu le carnet de laboratoire de ce projet de recherche libre pour un « indice d’évaluation globale de la résilience locale face au pic pétrolier ».

Je vous invite à critiquer, modifier, diffuser ce travail qui ne peut réellement avoir de sens que s’il est partagé !

Pierre Aïn